Les monologues de l'asile

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Selon les sondages britanniques, le grand public estime que 80 à 90 % de la population immigrée sont des demandeurs d'asile ; le chiffre réel est de 2 %. Parmi un public endoctriné par l'ignorance générale d'un certain tabloïd quotidien (communément appelé Beacon of Bigotry), Ice&Fire ont une lourde tâche devant eux de sensibiliser au sort des demandeurs d'asile. D'autant plus que la plupart des étudiants de Cambridge ont passé la soirée du 5eNovembre sur Midsummer Common plutôt que dans l'auditorium Riley de Clare College…

Malgré des chiffres d'audience loin d'être idéaux, la production valait bien la peine d'abandonner les cierges magiques, les hot-dogs et les roues Catherine. Ice&Fire, une organisation de représentation des droits humains de plus de 600 acteurs britanniques, a demandé à trois acteurs de raconter les histoires de trois demandeurs d'asile : leur parcours, leur expérience de demande de statut de réfugié, ainsi que leurs sentiments et leurs espoirs pour l'avenir, le tout basé sur des entretiens d'une durée de 4 à 5 heures. Les histoires demandaient peu de choses à raconter.

Spectacle de glace et de feu

Ice&Fire interprétant 'The Asylum Monologues' à l'Old Vic en 2007

La performance elle-même était choquante car instructive, à la suite des expériences d'un évadé de détention politique en République démocratique du Congo, d'un réfugié politique du Cameroun et d'un survivant de la torture en Ouganda jusqu'à leur installation (ou son absence) au Royaume-Uni. On entend parler de mères séparées des enfants, de familles déconnectées, de coups, de torture, de dénuement et de viol en chaîne ; des histoires suffisamment bouleversantes pour que Nigel Farage se sente coupable, et celles révélatrices de victimes méritant notre protection.

Pourtant, le facteur de choc du spectacle ne réside pas dans la variété des expériences, mais dans l'expérience partagée du système d'immigration britannique : une victime de torture refusée l'asile, une mère enceinte jetée au sol lors d'une tentative d'expulsion forcée, une détention illimitée dans des chambres fermées à 15 et une allocation de 38 £ par semaine en attendant que la bureaucratie décide si leur cas mérite le statut de réfugié. Le fil qui unit les trois est cette torture diplomatique, dont ils disent que les cicatrices psychologiques sont bien pires que les brûlures de cigarettes. Ces victimes ont laissé tout ce qu'elles savent et aiment chercher refuge au Royaume-Uni, pour être laissées dans les limbes pendant des années, attendant que l'armée robotique (et institutionnellement raciste) du personnel du ministère de l'Intérieur décide si oui ou non elles méritent notre protection. Et qui se soucie de l'article 3 de la loi sur les droits de l'homme s'ils sont tous des voleurs d'avantages, de toute façon ?

Excusez ma prédication, mais il ne s'agit pas seulement d'un drame intimidant et auto-gratifiant ; ce sont des histoires qui veulent et ont besoin d'être racontées, des histoires destinées à choquer justement dans le but de sensibiliser et de rallier des soutiens. Tout en évitant la sentimentalité, en cette ère de sentiment anti-immigration, nous devons nous rappeler les implications humaines du refus d'asile, l'inhumanité de notre propre système juridique infligeant sa propre forme civilisée de torture. À cet égard, cela valait bien la peine de manquer le feu d'artifice.

Les monologues de l'asile a été organisé dans le cadre du Cambridge Ethical Festival, organisé par Cambridge Hub et co-organisé par le groupe Cambridge Amnesty avec une représentation de STAR (Student Action for Refugees).